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Remy de Gourmont poète

En ce qui concerne la poésie, Remy de Gourmont reste sans doute connu par les étudiants en lettres, au moins pour ses contributions aux débats sur les définitions du Symbolisme. En tant que poète, il est le plus souvent considéré comme un symboliste, parfois il est plutôt classé parmi les « décadents » comme Rollinat et Richepin. En réalité, sa poésie me semble s’écarter le plus souvent des obscures clartés et de la mélancolie indécise des symbolistes.

Son œuvre poétique n’est pas très importante en quantité. En 1912, trois ans avant sa mort, il en a établi un recueil sous le titre modeste de Divertissements. C’est, pour l’essentiel, dans ce recueil qu’à l’instar de Michel Houellebecq pour le livret qu’il a publié en 1991 dans la collection Orphée des éditions La Différence, j’ai opéré la sélection des poèmes qui seront lus ce soir.

Presque toutes les parties de Divertissements* y sont représentées. Vous verrez que le thème qui domine nettement est celui de l’amour, amour pour les femmes, avec une présence constante et active de la nature, mais aussi amours éthérées. Ce sceptique affirmé a non seulement une manière souvent mystique de décrire la nature mais il célèbre aussi des saintes du paradis catholique. Remy de Gourmont n’a pas montré d’intérêt pour les religions en général mais il est resté fasciné par certains aspects de celle de sa mère. Il me semble possible toutefois d’apercevoir une certaine malice dans les souhaits exprimés à la fin des poèmes sur les saintes, vous en jugerez vous-mêmes tout à l’heure. Et les « Oraisons mauvaises » sont franchement provocatrices, voire blasphématoires. Cependant l’hommage qu’il rend ailleurs, dans le poème « L’église » à tous ses bâtisseurs et à tous les fidèles qui y ont prié ou versé des larmes s’explique sans doute en partie par l’admiration qu’il vouait au Moyen Âge et à ce qu’il a appelé « le latin mystique », dont il se délectait dans les antiphonaires.

Nous commencerons par un poème des Lettres à Sixtine (comprenez « lettres à Berthe de Courrière ») et nous termlinerons par un poème tiré des Lettres à l'Amazone (vous avez compris « lettres à Natalie Clifford Barney »), qui ne se trouvent pas dans Divertissements. Ce dernier texte est un sonnet. Mais les autres lettres à l'Amazone sont en prose, certes souvent poétique. C’est en prose aussi mais présentée en strophes qu’il avait composé les « Litanies de la rose », également non reprises dans Divertissements, dont voici le début et la fin :

Fleur hypocrite
Fleur du silence.

Rose couleur de cuivre, plus frauduleuse que nos joies, rose couleur de cuivre, embaume-nous dans tes mensonges, fleur hypocrite, fleur du silence.

[...]

Rose papale, rose arrosée des mains qui bénissent le monde, rose papale, ton cœur d’or est en cuivre, et les larmes qui perlent sur ta vaine corolle, ce sont les pleurs du Christ, fleur hypocrite, fleur du silence.

Les poèmes qui vont être lus ce soir sont en vers réguliers, avec parfois, des assonances plutôt que des rimes, ou en vers libres. Dans sa préface au recueil, Remy de Gourmont précise : « Encore que je me sois plié çà et là à l’antique rigidité des vers romantique ou plutôt parnassien, j’ai un faible pour le vers incertain, aux rimes incertaines ». On voit là que c’est par la forme qu’il rejoint l‘esprit symboliste et non par sa thématique souvent lumineuse.

 

* On peut accéder à tous les poèmes de Divertissements sur le site des « Amateurs de Remy de Gourmont »".

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Pierre Blavin - Remy de Gourmont, un sceptique un peu mystique - 4

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