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L'organiste aveugle

Je l'ai vu arriver à l'angle de la rue
De son pas régulier, en ce jour hivernal,
Projetant devant lui sa canne, son fanal
Éclairant le chemin de sa nuit continue.

Il a quitté son nid pour une promenade,
Il aime à parcourir les rues de son quartier,
S'imprégner des odeurs et des bruits familiers
Du ventre de la ville en constante chamade.

Nul besoin d'y bien voir, il sait si bien la vie,
Il perçoit par les sons ce que les yeux ouverts,
Au fil des jours, des ans, n'ont jamais découvert
Et son parcours sur terre est une allégorie.

Je connais sa maison, c'est un havre et un temple,
Le piano dans un coin trône comme un autel,
Sa musique est ardeur, son monde immatériel,
Un ange du Très-Haut le garde et le contemple.

Chaque dimanche, prenant le chemin de l'église,
Il grimpe à la tribune où les orgues l'attendent,
Silencieux, recueilli, il prépare l'offrande
Tandis que la chorale à mi-voix vocalise.

En un doux contre-jour, son profil se dessine,
Penché sur les claviers, il me tourne le dos,
Je ne vois pas ses yeux, ils sont à demi-clos,
Je sais qu'il est heureux lorsque ses mains s'animent.

Mikéno

© Mikéno, septembre 2011

 

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