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La petite montagne

À Georgio, Brahim Music, Jean Vilane, Joseph Stimbach,
pour m’avoir tour à tour ainsi rebaptisée

Savez-vous que souvent une petite taille
n’empêche de gagner les plus dures batailles
quand l’on voit de géants la paille s’effriter
Il m’arrive d’être aux montagnes comparée
aux montagnes

*

La montagne m’a dit : « Petite fleur sauvage
une rumeur prétend que ne peux accoucher
sauf de souris Mon âme a sauté dans sa cage
Et les vents, de tristesse, ont mes flancs asséché
Tu me fus cependant idéale compagne
Tu fleuris sur ma peau ainsi que la gentiane »

Et moi qui sais combien une parole blesse
m’efforçant d’étaler mes pétales edelweiss
afin que sa douleur succombe à ma tendresse
je murmure en ce creux comparable à l’oreille
qui se fend de partout sur cette face altière
ce que dicte le cœur quand on ne réfléchit

« Surveille ma montagne aux violentes forêts
la merveille des vies dont tu as le secret
tes neiges tes maquis, tes cascades tes cimes
Ils fourmillent encor les temps de l’héroïsme
Souventes fois tu as senti battre les cœurs
de ceux qui dans tes bras connurent le bonheur 

Ô montagne ô bravoure ô source d’infini
ô royaume divin, des aigles la demeure
Ne sois pas indignée d’une sotte rumeur
Qui dépasse au commun la tête de moitié
on donne en sacrifice à la médiocrité
Tu fréquentes le ciel On ne pardonnera
cette part de mystère où baigne ton aura

Car toi tu sais des dieux le langage ineffable
La plus sublime vue est gravée sur tes tables
Tu dévoiles à l’air pur des secrets de jouvence
Et tu nourris sans fin les rêves de l’enfance
N’en demande pas plus en haute destinée
Le prophète avec toi porte l’éternité »

*

La petite edelweiss sourit de son message
Car elle aussi son âme a bondi dans sa cage
quand faillit l’écraser la bottine des rois
la galoche bourgeoise et l’hiver et le froid
et le froid

Toute fière elle dresse au vent ses trois pétales
et déplie son velours, avec courage étale
sa double volonté de vaincre et de séduire
l’adversité commune ennemie du plaisir
du plaisir

Elle flaire en l’air pur et frais le grand partage
du petit Savoyard le chant de ramonage
Elle attend cette la joie, qui échappe à l’horreur
de disparaître au jour sans choisir à quelle heure
à quelle heure

Musique sans espoir mais qui draîne l’instant
Creuset des émotions gorge qui se défend
lance ta vibration essentielle et sauvage
du chant de l’univers traversant les alpages
les alpages

*

Savez-vous que souvent une petite taille
n’empêche de gagner les plus dures batailles
quand l’on voit de géants la paille s’effriter
Il m’arrive d’être aux montagnes comparée
aux montagnes

© fanFan
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