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Le chemin

à M. T.

Parfois, au détour d’un poème,
Je rencontre un autre moi-même,

Un enfant qui me tend la main,
Qui me montre un autre chemin,

Un chemin que j’aurais pu prendre,
Mais je refusais de comprendre,

J’aimais trop mes petits sentiers,
Bordés d’ajoncs, de noisetiers,

Ceux que suivent les têtes folles,
Ceux qui mènent loin de l’école,

Loin des devoirs, loin des leçons,
Ceux de la caille et du pinson,

Ceux du muguet, des campanules,
Des papillons, des libellules,

Ceux des bonheurs inattendus
Et de nos paradis perdus...

Oh, bien sûr, j’aurais pu sans doute,
Si j’avais choisi la grand-route,

Rouler carrosse, aller grand train,
Épater les contemporains,

J’aurais croisé d’autres visages,
Traversé d’autres paysages,

Tenu - qui sait ? - d’autres discours,
J’aurais connu d’autres amours.

Aujourd’hui je serais peut-être
Un illustrissime, un cher maître,

Pontife grave et décoré,
Portant toge ou bonnet carré.

Mais non, la vie est ainsi faite,
Je ne pouvais qu’être poète,

Que muser par monts et par vaux,
Et si tout là-bas de nouveau

Il nous est donné de revivre,
Ce sont eux que je voudrais suivre,

Mes petits sentiers d’autrefois
- Ce chemin qui menait vers toi.

Jean-Luc Moreau, Regards sur l’enfance
par 13 poètes invités (Tours, février 2012)
et Le Coin de Table n° 53

© Jean-Luc Moreau 
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