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Sarajevo 92

Sarajevo,

Quelques soldats de plomb,
Une bille oubliée
Dans la poche trouée
D'un tout petit garçon...
Le canon qui résonne
Aux portes de la ville,
Une heure indélébile 
Où le vent déraisonne...
À peine une heure d'avion,
Une heure pour une vie
Perdue sur l'infini
Du plus proche horizon...

Somalie, Éthiopie,
D'autres soldats de plomb ;
Les cadavres sans nom
Des enfants de l'oubli...
Les larmes asséchées
De leurs yeux sans regard ;
La caméra s'égare
Sur un tas de déchets :
Les paysans d'« En France »
Ont jeté dans nos rues
Des tonnes d'invendus ;
Il est d'autres urgences !

Gamins de Bethléem,
De Beyrouth ou Gaza,
Survivant Bogota 
Sans savoir dire "Je t'aime" !
Gamins de nos cités,
De Paris ou Marseille ;
Fleurs fanées sans soleil,
Rêves inhabités...
Gamins perdus d'avance
Entre adulte égoïste
Et firmament trop triste,
Gamins de nos errances...

Quelque part ‎en Asie,
Pour quelques francs par an,
Tu ne sais d'un enfant
Que son sexe et son prix...
De Bangkok à Manille,
Tu pourras te payer
L'innocence souillée 
D'une petite fille...
À quelques pas d'ici,
Des meurtres sans regret ;
D'autres prénoms sucrés, 
Delphine ou Grégory...

Sarajevo,
Encore...

Quelques soldats de plomb,
Quelques ‎balles perdues
Et le pont suspendu
Sous l'aile d'un avion...
L'espoir en pointillés
De plus en plus distants
Quand tout le monde attend
Pour mieux se défiler...
Et je revois encore
Cette bille oubliée
Dans la poche trouée 
D'un petit garçon... MORT ! 

Vincent Marie, 1992

© Vincent Marie
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