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Il aima les nudités...

Hommage à D. L. et à J. J.

Il aima les nudités les solitudes du vent
Certains de ses sarcasmes
La feinte irrésolution des nuages
La justesse la volupté des ponts
Les ondoiements des rapaces de la pénombre
Auxquels il faisait allégeance
Selon le protocole imprécis qui lie l'homme
À l'oiseau intendant de la nuit

Il eut le culte de la pierre
Des puits aux margelles courtes
Près des maisons honnêtes
Contre lesquelles son regard trébuchait
Le temps d'un talus

Il aima cela d'un amour de prêtre

Derrière les évidements déraisonnables des fenêtres
Il fut amoureux de celles
D'où il pouvait envisager
Les émois de la mer
Ses sollicitudes de messie
Sa gloire d'ogresse

Il adorait l'œuf parfait du matin
Dont se nourrit le poète
Aux lueurs embrouillées des villes
Il préférait les dilemmes
Lus dans les yeux des chiens
Et des chevaux

Lui dont les mots étaient des mots de plaie
Et des mots de renfort
Des mots de vergers
Des mots d'enfants
Amputés d'aucun amour encore

Les mots s'évanouissaient à son approche
Il risquait une existence pauvre
Il a pris le chemin que la mer arrête
Se retournant pour saluer à son épaule
Le frôlement d'un dernier oiseau

Marie Ordinis
 Sommes, éd. de l'Échiquier, 2001.

© M. Ordinis
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