Version imprimable

Somme

Dos tourné aux sources je m'avancerai vers l'estuaire
Pour ne l'atteindre qu'après bien des haltes
Et quand j'en serai digne
Rongée de timidités
Encore au creux des terres
J'aspirerai par goulées l'air annonciateur des marées
Qui me sont promises
Je me recueillerai entre les senteurs d'un sol
Humecté par les bruines
Me préparant à la rencontre je jeûnerai d'une diète particulière
Puis me perdrai dans la contemplation des oiseaux
Établis sur l'unique saule de la ville attentive
Ma dernière halte
Prostré loin de la mare où la parade du cygne blanc
Définit des courbes irrémédiables
Le cygne noir orphelin vagira à mon approche
Je questionnerai sa douleur puis gagnerai la baie
Cette entaille à laquelle ma mère a consenti
La terre ma mère entrouverte et sereine
Je marcherai d'une lenteur bienheureuse
Assourdie par le chuchotement des vagues
Et les commentaires des mouettes
Dès lors toute autre voix colportant des propos futiles
Me sera devenue à jamais insoutenable

Marie Ordinis
 Sommes, éd. de l'Échiquier, 2001.

© M. Ordinis
Précédent