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Le Deux-Décembre ou les victimes du coup d’Etat

En enfer ! en enfer ! Geôliers, mouchards, bourreaux,
Périsse enfin, valets, votre affreuse mémoire !
Satan vous réunit à son festin plein de gloire
Pour vous féliciter de vos nobles travaux.
Elle a pendant la nuit, la horde criminelle,
Sans remords dévasté la maison paternelle ;
Elle a frappé, lié, par la corde et le fer.
En enfer les maudits ! les maudits en enfer !

En enfer ! en enfer ! la famille est en deuil ;
On voit gémir les fils, on voit pleurer les mères,
Le lit prostitué pour parer les misères,
On vida la maison pour remplir le cercueil.
On a de notre lèvre arraché le sourire,
Ils font horreur hélas à tout ce qui respire.
Sur les joyeux printemps ils ont semé l'hiver !
En enfer les maudits ! les maudits en enfer !

En enfer ! en enfer ! ainsi que des brigands.
Ils ont sans s'émouvoir dévasté nos campagnes,
Vendu nos biens acquis, insulté nos compagnes,
Jeté sur les pontons jusqu'aux jeunes enfants,
Les moins forts ! les chétifs en mouraient à la peine !
Tout ce qui résistait s'en allait à Cayenne,
Mourant dans les cachots ! pieds nus, sans pain, sans air.
En enfer les maudits ! les maudits en enfer !

En enfer ! en enfer ! ils sont le déshonneur !
Le monde en a pleuré de douleur et de honte !
L'échafaud fut dressé ! mais gare au flot qui monte !
Il les engloutira, nous rapportant l'honneur.
L'exilé fier et doux reverra la patrie
Qu'il garda dans son cœur et par eux tant flétrie,
Du vaste et doux foyer le souvenir est cher.
En enfer les maudits ! les maudits en enfer !

Amour, Travail, Liberté, 1886.

Henri Chabanne, « Nivernais-Noble-Cœur », était compagnon tonnelier du Devoir de Liberté. Ayant pris part à la révolution de 1848, fait partie d'une société secrète et participé à la Commune, il fut successivement déporté en 1855 à la Guyane, d'où il s'évada, et condamné à mort. C'est aux États-Unis, où il s'était exilé, qu'il publia son recueil de poésies.

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