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À Napoléon

Toi, trop digne rival des meurtriers de Rome,
Gigantesque fléau que fut Napoléon,
Alors qu'avec orgueil tout un peuple te nomme
               Et que l'air frémit à ton nom ;

Alors que réveillant tes gloires assoupies
Le mensonge et l'erreur, accouplement fatal,
Elèvent des autels dans leurs fureurs impies
               À ton squelette impérial !

Pas un écho d'amour sur tant d'échos funèbres !
Pas une voix du ciel parmi ces mille voix,
Qui, douce et radieuse au milieu des ténèbres,
               Apparaisse et nous dise : vois !

Sous un nuage épais la vérité muette,
Supportant sans courroux les plus honteux dédains,
Laisse, pour un moment, dans sa pitié secrète,
               Dormir ses éclairs souverains !

Mais tremble ! dans ses mains qui ne sauraient t'absoudre
Le ciel, le juste ciel mit l'arrêt des pervers !
Tremble ! un son de ta voix peut te réduire en poudre
               Toi qui foudroyas l'univers !

Tremble de n'avoir pas tremblé quand la victoire
Inclina sur ton front son vol éblouissant !
Tremble ! un poison mortel s'exhale de la gloire
               Qui prend sa source dans le sang !

Toujours environné de meurtres, de carnages,
Tu ne sus dans les cœurs engendrer que l'effroi,
Et la France pourrait honorer mille sages
               Dont le dernier vaut mieux que toi !

La France agenouillée au pied de la Colonne1
Fatiguant de ses cris les échos d'alentour,
La France, de ses mains tressant une couronne,
               Dont son front doit rougir un jour !

Un courroux du poète, 1844

1 La colonne Vendôme.

Constant Hilbey (1817-après 1860) était ouvrier tailleur.

 

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