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Vœux agrestes

Ah ! sois maudite, ville aux splendide misères,
Ville où la fange est reine en se cachant sous l'or,
Où j'écoute, impuissant, les sanglots de mes frères !
Oui, sois maudite ! ailleurs j'irai revivre encor.

Dieu ! comme je voudrais m'éveiller loin des villes,
Cueillir, encore enfant, la marguerite aux près,
Rire d'un rien ; bondir, libre, aux vallons tranquilles,
Tout fier de ma jeunesse et de ses jours dorés !

Dieu ! comme j'aimerais, errant près du rivage,
Sous l'étreinte de l'eau voir les saules frémir,
En cherchant des parfums à chaque fleur sauvage.
Sur l'herbe, au grand soleil, que je voudrais dormir !

L'air des campagnes, doux à ma faible poitrine,
L'haleine des ruisseaux, c'est tout ce que je veux :
Ma vague fantaisie aime l'eau qui chemine,
La feuille qui bruit, l'air qui souffle aux cheveux.

Idéal, idéal, me poursuis-tu sans trêve ?
Des larmes ont, je crois, tombé sur tes genoux,
Ô poète, et déjà finit l'heure si brève,
L'heure de liberté ! Beaux songes, taisons-nous.

1840
Œuvres posthumes, 1845

Eugène Orrit (1817-1843) était correcteur d'imprimerie. Il fut une jeune victime de la tuberculose.

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