Version imprimable

Le miroir

Je voulais une robe en dentelle et en moire
J’étais bien décidée à m'en aller danser.
Je parcourus alors la rue Saint Honoré
Les Galeries, le Printemps et le Bon Marché.
Pourquoi toutes ces robes étaient si mal coupées ?
Il m'était impossible de les attacher.
J'étais vraiment fâchée contre les couturiers,
Lorsque l'un deux entra pendant que j'essayais :
Madame, cette robe est beaucoup trop petite !
Faisant quarante deux, vous prenez trente huit.
Comment ! j'aurai grossi de trois tailles en un ans !
Cet homme était fou à lier, assurément.
Il me dit : prenez ça, c'est un quarante deux,
Je la pris, bougonnant, le fusillant des yeux.
Elle allait comme un gant, il me fallait l'admettre,
Et cet homme arrogant avait un œil de maître.
Mais devant ce miroir j'étais pot à tabac,
Alors tout doucement, il me prit par le bras,
M'entraînant simplement vers une autre cabine.
Cette robe soudain devint des plus divine.
Je me trouvais grandie de plusieurs centimètres,
Ma taille avait minci tel un enchantement,
Cette robe me faisait un corps de vingt ans.
Il me dit vous voyez, je peux tout arranger,
Je suis un magicien doublé d'un couturier,
Avec un petit rien je peux vous transformer.
Quand je compris enfin ce tour de passe-passe,
Je me surpris soudain à faire la grimace.
Avec cette robe de dentelle et de moire,
Je me fis emballer aussitôt le miroir,
Il remplacera bien celui de mon armoire.

Françoise André

© Françoise André
PrécédentSuivant