Pour la poésie

À Gérard Trougnou

Ami, comme il a fui le temps de la jeunesse
Où nous disions nos vers au long des soirs perdus,
Où Dame Poésie, charme, orage, tristesse,
Nous ouvrait les trésors des pays défendus.

Si la ronde des jours tourbillonne et nous presse
De goûter les saisons qui ne reviendront plus,
La muse verse encor sa brûlante caresse
En nos cœurs agités de flux et de reflux.

Mais, bien loin de garder jalousement la flamme
Qui te fait vivre pour toi seul, tu la répands
Comme riche parfum voluptueux de femme.
Heureux sont-ils, ami, bien plus que les puissants,
Ceux qui, loin du tumulte et des silences blêmes,
S’enivrent de lumière en ta Cave à Poèmes.

En ce lieu sans rivage ombré d’enchantement,
Heureux sont-ils, ami, ceux qui, près de Verlaine,
Villon ou Baudelaire, cueillent intensément
Les murmures nouveaux d’une voix inconnue.
Qu’elle coule longtemps la douce cantilène
Où Dame Poésie exulte à nuit venue !

© Jacques Terrien