Les santons de la Seine

Vos roulis, vague à bonds,
Leur tiennent lieu de rêve,
Muant en sable blond
Le béton de vos grèves.

Les odeurs de l'urine
Et des regrets noyés
Vont et viennent, serinent
Ce qu'ils ont oublié.

Mi-homme, mi-carton,
Mais tout entier douleurs,
L'un d'eux d'un des pontons,
Se jette et fond en pleurs ;

Mou remous de la Seine,
Qu'importe ? Un bateau-mouche,
Dès l'aurore, sans peine,
Va voguer sur sa couche.

Et lorsque à la surface,
Son corps feu follet flotte,
Sous le pont, prend sa place
Tel autre sans roulotte.

Comment donc les touristes
Trouvent-ils Paris belle,
Quand Paris est si triste,
Que ces berges rient, bêlent

De savoir que s'égrènent,
Sans toit, tous ces santons,
Sur les bords de la Seine,
Mi-hommes, mi-cartons ?

Marie Fontaine

© M. Fontaine