La voix d’outre-tombe

Un suppôt de Bacchus ayant fort sacrifié
À l’usage sacré du coup de l’étrier,
    (Savoir-vivre et belles manières
Font tout le sel de ces vies exemplaires)
Dut se résigner à rentrer chez lui.
    Las, l’abus de Brouilly
    Brouillant quelque peu les idées,
L’envie lui vint de couper à travers
    Le municipal cimetière.
Hélas, le flottement de notre noctambule,
Le fit trébucher contre un monticule
Placé au bord d’une fosse creusée...
    À l’usage que savez !
Gravitation aidant, il choit dans le trou, et
   Oubliant son cher Bacchus,
Plonge illico dans les bras de Morphée,
Qui se morfondait dans la fraîcheur de l’humus.
    Au petit matin, entre loup et chien,
    Passe un quidam à jeun,
Qui entendant un cliquetis de dents
    Provenant d’une tombe,
S’approche, se penche, distingue une ombre,
Et entend une voix sépulcrale
Qui lâche dans un râle :
« J’ai froid ! ». À quoi le malheureux, claquant
    Des dents pareillement,
Rétorque sans songer : « Tiens... forcément,
    A force de rejeter la terre
Hors de ta tombe, tu es tout découvert ! »

Vous qui aimez musarder dans les cimetières
Attendez plutôt que le jour vous éclaire
            De son édifiante lumière.

Yves Tarantik

© Yves Tarantik