Passante

Parfois, quand la mer se retire
On voit paraître sur le sable
Gorgé des saveurs océanes
La trace éphémère, singulière
D’une passante solitaire.

Elle a déposé sur la grève
Parmi ses hôtes et la rumeur,
Malgré la houle et le ressac,
Le signe fragile, incertain
De son souvenir obsédant ;

Et son pas qui longe la mer,
Son pas dévoré par l’écume
Au rythme d’une houle fière,
Entraîne le regard éperdu
Vers d’étranges contrées oubliées ;

Et le vent qui souffle au lointain
Là où le flot se grise d’azur,
Où le ciel épouse la mer,
Fait entendre sa voix légère
Dans le doux balancé de l’onde.

Toi, marcheur, épris des sentiers
Qui toujours te poussent vers l’ailleurs
Sans jamais trouver le répit,
Tu connais ce chant de la mer
Qu’enfant déjà tu entendais ;

Il évoque de troubles langueurs
Des lassitudes sans partages
Oppressant le cœur comme l’âme,
Et il appelle le Résigné
Qui sommeille au cœur du nulle part ;

Tu prendras alors dans ta main
Une poignée de sable fin,
Tu l’humecteras de tes larmes,
Toutes les larmes égarées
Dans le méandre des années,

Et pour offrir à l’univers
Une trace de sa splendeur
Tu pétriras malgré les pleurs,
Malgré l’indigne tentation,
Le visage d’une belle chimère.

Emmanuel Rey

© E. Rey


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