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Le passager au secret

Le passager caché sortira du secret demain. Aux couleurs jaillissantes du jour, sur le pont du navire qui promène le temps, le capitaine lira le message officiel qui donnera connaissance du secret de sa naissance et officialisera sa venue dans le monde. Par un passage secret le passager est apparu, lorsqu’il était bébé, dans les cales du navire du temps et y a séjourné pendant plus de vingt ans. C’était un secret de polichinelle, beaucoup finissaient ainsi cachés dans une cale. Cela n’empêchait pas le monde de tourner.

Il ne lui était pas possible de prononcer le moindre désir. Il bénéficiait d’instructeurs qui lui enseignaient les choses admises et lui cachaient toutes les mises à l’index. Il ne pouvait choisir ce qui lui importait, les choix étaient fixés et ne supportaient aucune dérobade. Maintenant on va lever le voile et restituer ce passager prisonnier à la splendeur des jours. Je ne suis pas sûr qu’il fera beau dans sa tête amoindrie. Je crois qu’il aura peur et ne le dira pas. A vivre entouré d’eau il a peur des noyades.

En prenant la route vers son Levant, nous serons très nombreux sur le chemin. Nous serons venus chercher le passager clandestin, pour repartir le lendemain. À la fin de la cérémonie sur le bateau, sa mère nous aura appelés. Elle aura voulu absolument revoir son fils reclus depuis vingt ans. Au même lieu et à la même heure qu’il y a vingt ans ! Ce lieu qui fut celui de sa naissance et qui devra être celui d’une re-naissance programmée.

Après cette rencontre nous partirons dans l’instant. Nous chanterons à tue tête, heureux de ce dénouement. Seul le passager clandestin semblera ne pas prendre conscience de la grandeur du moment. Il aura mis sur ses yeux des œillères noires comme pour revivre le noir du fond de sa cale. Je me demanderai ce que fut la rencontre avec sa mère. Alors mon téléphone sonnera. La mère du passager clandestin me dira : « Je vous passe monsieur ». Et celui-ci me demandera :
– D’après vous, qu’elle sera sa réaction quand il me verra en face de lui ?

Je répondrai simplement au père : il vous regardera droit dans les yeux et vous dira :
– J’étais dans un lieu sombre. On l’appelait la cale. Je l’appelai « Enfance ». Qu’est ce que je fais ici ? Pourquoi suis-je sorti ? Qui êtes-vous ?
Qui suis-je, où m’emmène-t-on ? pourquoi ai-je des chaînes ?

26-02-2018

© Serge Carbonnel
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