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Débuts et rencontres à Montmartre et Montparnasse

André Salmon, né à Paris dans le XIe arrondissement (bd Voltaire) le 4 octobre 1881, était le quatrième enfant de parents anciens communards qui connaissaient de grandes difficultés matérielles, devaient souvent déménager, etc. Son père était un sculpteur aquafortiste et sa mère la fille d'un membre fondateur du parti radical-socialiste. S'il est élevé dans des principes de laïcité, de patriotisme et esprit républicain, le reste de son éducation proprement dite souffre des mauvaises conditions matérielles de la famille, si bien qu'il ne fait pas vraiment d'études mais reçoit des leçons particulières d’un poète parnassien, Gaston de Raisme, qui était un ami de François Coppée.

Lorsqu'il a 16 ans, sa famille part à Saint-Petersbourg où son père est invité pour sa profession, et il y restera 5 ans, même après le retour de sa famille à Paris. Là, il apprend le russe, travaille comme commis à la chancellerie du Consulat de France, et se frotte à la vie dans une grande ville cosmopolite où il fréquente autant les maisons de prostitution que les milieux anarchistes et les boîtes de nuit, c’est-à-dire un épisode marquant dans une vie d’adolescent avec ses apprentissages et ses rêves, épisode couronné lors de son retour à Paris par « sa naissance à la poésie en 1903 », comme il le dira lui-même, par sa découverte de poètes comme Rimbaud, Lautréamont, Corbière, qui l’ouvrent à une vision personnelle de la poésie faite de lyrisme et de merveilleux.

C’est ainsi que, désormais à Paris, il fréquente les soirées de la revue La Plume, revue littéraire et artistique, ce qui lui permet de faire connaissance avec de nombreux artistes tant poètes que peintres, ces derniers en tant qu'illustrateurs de la revue dans laquelle on trouve en particulier les noms de Mallarmé, Laforgue, Moréas, Verlaine..., et, du côté des peintres, Gauguin, Pissaro, Redon, Toulouse-Lautrec, etc... Il fonde ensuite lui-même avec quelques amis une revue Le Festin d'Ésope, et, au fil des rencontres, se lie d'amitié avec Apollinaire, Max Jacob et Picasso, qui resteront ses grands amis. Au cours de ces années, il s'était installé au Bateau-Lavoir à Montmartre puis à Montparnasse, deux hauts-lieux réputés pour leurs ateliers d'artistes peintres.

André Salmon vit de « petits boulots » (écriture de chansons avec Pierre Mac Orlan, pièces de théâtre avec Apollinaire, régisseur temporaire dans des tournées, collaborateur à des revues littéraires, et notamment Vers et Proses avec Paul Fort qui en était le fondateur, et qui lui éditera son premier recueil intitulé Poèmes, bien accueilli, en avril 1905).

Le Pervers, lu par Pierre Blavin.

Vu d'aujourd'hui, on ne peut qu'envier de ce point de vue une époque où l'on pouvait sans trop de problèmes vivoter de ces « petits boulots » bien difficiles (voire impossibles) à trouver maintenant... Par la suite, il s'établira comme journaliste attitré et surtout critique d'art ; c'est en effet André Salmon qui permit la révélation au public des Demoiselles d'Avignon de son ami Picasso, lors du salon d'Antin qu'il organisa lui-même en 1916, toile considérée comme l'avènement du cubisme et toute la peinture qui s'ensuivit, dont André Salmon se fera le critique et défenseur éclairé. Entre-temps, il avait publié son second recueil Fééries (1908)

L’Assomption de Spiridon Spiridonowitch Marmeladoff, lu par Yves Tarantik,

toujours chez Vers et Proses, suivi de Calumet en 1910,

L’inventaire sentimental, lu par Nicole Durand,

et notons le, avant par exemple Alcools d'Apollinaire paru en 1913 et le Cornet à dés de Max Jacob, un peu plus tardif, en 1916. Ces recueils le révélaient en quelque sorte comme un poète de l'avant-garde poétique, position également confirmée en ce qui concerne son regard sur la peinture de l'époque car il avait aussi fait paraître en 1912 une Histoire de la Jeune Peinture Française qui l'avait imposé dans le domaine de la critique d'art. Et justement ses affinités avec la peinture se retrouvent abondamment dans son oeuvre de poète, non seulement par les poésies qu'il a consacrées directement à l'art de la peinture ou encore à l'art particulier de tel ou tel de ses amis peintres, mais aussi par la qualité pittoresque, picturale, des images poétiques qu'il donne à voir dans la plupart de ses œuvres.

Peindre 1, lu par Gérard Trougnou.

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