Fleuve J’avais dix ans au pont d’Asnières,
La Seine était haute et boueuse et charriait des glaçons.
Je tenais la main de ma mère et les regardais courir sur l’eau jaunâtre.
Sous mes yeux étonnés le fleuve était sauvage.
À la radio s’entendaient les appels de l’Abbé Pierre
et Madame Candiani.
L’été pourtant,
nous descendions en courant l’escalier de fer du pont de Levallois
Nous jouions sur les rives de l’île
et nous nous effrayions d’y côtoyer nageant
des rats indécents et turpides.
Mon cousin paraît-il s’était baigné non loin.
Cinq ans plus tard
au pont de Neuilly,
octobre,
ce sont des cadavres que l’on trouvera.
Il me souvient du lendemain et du France-soir
censuré
qui arborait ses pavés blancs.
Au pont de Clichy on enterre les chiens
dans l’île des Ravageurs.
Et sur celle de la Jatte -
C’est à Neuilly aussi -
il est un temple de l’Amour
gentille coupole et colonnade en marbre blanc.
Je l’admirais enfant.
Et voir la Seine au pont de la Tournelle…
les bras de Notre Dame, leurs caresses de pierre…
L’on n’en finirait pas de raconter les histoires qu’elle porte.
Histoires de noyés, de mariniers, .. de toutes sortes.
Mais d’amoureux aussi :
Premier baiser dans un balcon du Pont neuf…
Que nous réserve-t-elle ?
le proverbe le dit :
« Jamais deux fois on ne se baigne en la même eau. »
Mais le soleil rit dans les clapotis du rivage.
Je relève les yeux, je souris à l’amont,
la force du courant, le cours du temps, notre vigueur.
© Jean-Claude Morera - 26 mars 2018 |