Don Juan À Antoine Cros
(frère aîné de Charles)
Au bord d'un étang bleu dont l'eau se ride
Sous le vent discret d'une nuit d'été,
Parmi les jasmins, foulant l'herbe humide
Avez-vous jamais, rêveur, écouté
La voix de la vierge émue et timide
Qui furtive, un soir, pour vous a quitté
Le foyer ami ? depuis froid et vide ?
Où, les parents morts, plus rien n'est resté ?
Parfum de poison, volupté cruelle
D'avoir arraché du sol ce lys frêle
Et d'avoir hâté l'œuvre des tombeaux...
Ô destruction de quels âpres charmes
Es-tu donc parée ? Et, voilés de larmes,
Pourquoi les yeux clairs en sont-ils plus beaux ?
Charles Cros
Le Coffret de santal |