Deux poèmes La poupée
La poupée sur son étagère
Pleurait de n’avoir plus d’ami
De ses yeux une pluie légère
Recouvrit le sèvres endormi
L’enfant l’avait oubliée seule
Vêtue d’une robe en velours
Brodée des longs doigts de l’aïeule
Tels ses plus splendides atours
Dans une lumière diffuse
La poussière la recouvrait
Pour ce matin que rien n’amuse
Dans un badinage distrait
Epaisse douleur de l’absence
Lourdes larmes de l’abandon
Dans la tristesse et la démence
Ne subsistait que le pardon
Telles des perles exotiques
Coulaient les gouttes de chagrin
Sur de très vieux tapis rustiques
Et le doux velours du coussin
Dans une horrible mise en scène
Une cascade de tourment
Inonda le coffre d’ébène
Le lit et tout l’ameublement
Le torrent but tout à la ronde
Dans ce territoire maudit
Une lame avala le monde
Le déluge se répandit
De captive elle se fit reine
S’aspergea du liquide amer
Se lava du flot de sa peine
Disparut au fond de la mer
Elle trouva des camarades
Au centre de ses longs sanglots
Une sirène et des dorades
Une étoile et des cachalots
La douleur devint étrangère
Les pleurs infiniment taris
La poupée sur son étagère
Raffolait d’avoir tant d’amis
© Charlotte-Rita Pichon, 24 janvier 2019
Larmes
Tout au fond de l’âme les elfes créent les larmes
Elles roulent déjà coulent dans les vacarmes
Sans aucun hommage d’un monde inexploité
Pour cet exquis bonheur ou cette indignité
Elles sont le reflet d’un joli crépuscule
Un miroir radieux dans l’univers crédule
Un délice d’amour d’implacables matins
En la solitude de peines et chagrins
Secrètes fugaces lâchement triomphantes
Elles sont les plaisirs en soirées caressantes
L’horreur de la guerre la survie ou la mort
Les brillances dorées dans un monde qui dort
Le sanglot d’un enfant dans la nuit redoutable
Les pleurs d’une femme pour l’angoisse du diable
Personne ne connaît leur besoin de douceur
De reconnaissance loin de toute noirceur
Mais la cruelle main aplatit en un geste
Les perles livides sur une joue céleste
Qui sait leur martyre de ce brusque dédain
Pourquoi les rejeter de ce signe inhumain
D’une noble grandeur au centre de l’absence
Elles souffrent seules dans le profond silence
Ainsi abandonnées tombent dans le ruisseau
Pauvres incomprises jetées au creux de l’eau
Trouvent une famille dans l’antre de l’abîme
Où chaleur et amour riment avec sublime
Reçues dans l’amical bien-être de l’instant
Les gouttes de l’esprit explosent en chantant
Cascadent au bruissement d’éternelles rivières
Et puisées au tonneau de tendres chambrières
Ravivent le brocard de séduisants grivois
Ou raniment l’éclat d’agréables minois
Dans l’immense étendue de leur riche ressource
Sachez qu’elles vivront dans les flots de la source
Quand vous les chasserez pour enfin en finir
Au détour de vos jours et de nuits à venir
De désirs puis d’envie ou de grandes bêtises
Les larmes ont des soupirs que le vivant méprise
En murmure éternel en complainte d’argent
Demeurez leur ami montrez-vous indulgent
© Charlotte-Rita Pichon, le 17 février 2019 |