Coups de foudre | L’exil 1940-1957 Léger, de Londres, part pour les Etats-Unis où il arrive le 14 juillet 1940. Il s’est opposé à De Gaulle à qui il reproche de ne pas représenter la légalité et qu’il soupçonne d’autoritarisme et d’ambitions personnelles et refuse de le soutenir, malgré la demande de celui-ci, en opposant action militaire et action diplomatique. Mais il est contre le régime de Vichy en raison de la « collaboration spontanée » de celui-ci. S’il se plaint de sa solitude dans sa correspondance, il est cependant soutenu par la poétesse Katherine Biddle et son mari Francis, Attorney général de Roosevelt et par les Bliss : Robert Bliss a été conseiller à l’ambassade des États-Unis à Paris. Il obtient ainsi un poste de consultant littéraire à mi-temps à la Bibliothèque du Congrès. 1941, il écrit Exil : après la longue parenthèse de la diplomatie, qui n’était jamais qu’une autre forme d’exil, le renouement avec l’écriture peut avoir lieu. Le poème est publié en France dans les Cahiers du sud et aux États-Unis dans la revue Verse. Le dernier chant rappelle que Saint-John Perse a laissé en France sa mère et sa sœur Deux fronts de femme sous la cendre... Une autre femme est à la source de sa poésie : Poème à l’étrangère a été écrit en 1942 bien que, dans l’édition de la Pléiade, il soit placé après Neiges. L’étrangère est Lilia Abreu, égérie de la NRF rencontrée en 1925 et avec laquelle il a une liaison à partir de 1932. D’origine îlienne, Cuba, née dans une famille de souche espagnole, elle a, de ce fait, des points communs avec le poète. En 1941, elle rejoint aussi les États-Unis et habite dans le même quartier de New York que Saint-John Perse. Le poème témoigne de la façon dont l’auteur compose à partir d’anecdotes personnelles qui sont masquées et transformées pour atteindre une dimension universelle. Lilia Abreu a noté en 1942 que pour lui, l’écriture est tout : « ... il doit tenir en grand honneur l’écriture, comme les Chinois. » Cette liaison est à l’image des précédentes, tenue secrète, elle s’achève en 1942 : le poème est un adieu je m’en vais, ô mémoire, à mon pas d’homme libre. Le dernier poème d’Exil par sa chronologie, Neiges lui est inspiré par la ville, New York et les paysages industriels américains, purifiés par la neige. La libération de Paris en août 1944 annonce la fin de la guerre et, pour Léger, met un terme à l’espoir de jouer encore un rôle sur la scène internationale. Le gouvernement provisoire de De Gaulle est reconnu par les États-Unis. Perse décide de rester en Amérique et reçoit une subvention de la Fondation Bollingen qui aide les écrivains. Il voyage et surtout écrit : c’est la rédaction de Vents. Par son ampleur (poème composé de 4 séquences, comprenant chacune plusieurs chants) par ses thèmes et sa tonalité, le poème rompt avec le lyrisme plus personnel d’Exil pour constituer une véritable épopée. Les Vents ont aussi une valeur symbolique : ils balayent tout et restituent au monde sa pureté. Mais leur souffle est surtout l’image du souffle spirituel et du souffle poétique... le Poète est encore parmi nous. Vents est aussi un poème sur la condition humaine... mais c’est de l’homme qu’il s’agit et sur l’histoire : Perse est profondément frappé par la bombe atomique qu’il évoque, histoire aussi des États-Unis, dont les migrations d’est en ouest sont dites dans le poème. Le poète renoue avec les vivants ... Et nos poèmes encore s’en iront sur la route des hommes, portant semence et fruit... Vents marque un tournant dans la poésie de Saint-John Perse. Il va falloir 10 ans à Perse pour écrire Amers : après les pluies, les neiges et les vents, c’est encore le monde qui est célébré sous forme de la mer qui donne son unité au recueil. Il comprend différentes parties clairement définies par leur titre : « Invocation », « Strophe », Chœur » et « Dédicace ». L’alliance avec la mer est l’alliance du poète au verbe et c’est dans l’union amoureuse que « l’alliance est consommée ». Sept chants racontent une nuit d’amour en mer ; entre le soir et l’aube, se déroule le dialogue de l’homme et de la femme, dialogue verbal et dialogue charnel qui permet la fusion et l’extase. À partir de 1947, Saint-John Perse consacre aussi ses forces à la reconnaissance de sa carrière littéraire. Son œuvre est éditée en France mais aussi traduite en russe, allemand, anglais, italien, espagnol. Il a des relations privilégiées avec Alain Bosquet, Roger Caillois, Jean Paulhan. Les hommages qu’il rend à d’autres écrivains sont aussi un moyen de préciser sa poétique : Gide, Valéry Larbaud, Claudel. Dès 1952, ses amis écrivains pensent à lui pour le comité Nobel. © M.-F. Reboul
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