Automne L'astre qui prodiguait à la belle nature
Ses feux brûlants encor même au-delà du jour,
L'astre d'été n'a plus qu'une pâle figure,
Comme un homme épuisé d'amour.
Du vent froid maintenant je compte les coups d'ailes
Qui brisent des grand bois le jaunissant rempart :
Au faîte du clocher des groupes d'hirondelles
Gazouillent le chant du départ.
Déjà du mendiant, dont la faim matineuse
Vient quêter un pain noir qu'il cache en ses lambeaux,
La prière est plus triste, et sa voix douloureuse
Se mêle au bruit de ses sabots.
Et ces derniers parfums qu'exhale la vendange,
Lorsqu'au bruit des chansons on l'emporte au pressoir ;
Et ce soleil de brume étalant une frange
Qu'il traîne souvent jusqu'au soir ;
Et ces tapis blafards dont le pré se dessine,
Tout dit : voilà l'hiver avec ses arsenaux,
L'hiver dont le regard puissant trouble et fascine
L'onde immobile en ses canaux.
Et le vague tourment qui flottait dans mon âme,
Comme ces eaux qu'agite une brise d'été,
S'y gèle aussi, perdant tous ses rêves de flamme,
Morne comme un flot arrêté.
Bercé par les autans, mon cœur, tu te recueilles
Pour pleurer tes moments de rapides amours,
Ces moments, où sont-ils ? - Où vont ces pauvres feuilles,
Où vont les nuits, où vont les jours !
Insomnies et Regrets, 1846
Joseph Lafon-Labatut(1809-1877), entra tout jeune dans un atelier de lithographie parisien. Parallèlement, et grâce à son salaire, il suivait les leçons du peintre Gérard. Mais il fut frappé de cécité alors qu'il n'avait pas encore quinze ans. |