Lorelei Qui pose, à demi nue,
allongée sur la grève,
et comme revenue
du naufrage d’un rêve ?
Sa chevelure rousse
la masque comme au bal.
Ô que cela me pousse
à l’imaginer pâle.
Sans doute que sa peau
naquit d’une caresse
et qu’un avant-propos
fit d’elle une déesse.
J’ignore à quelle envie
son silence renvoie.
Sera-t-elle ravie
de connaître ma voix ?
« Ô toi, que nul n’effleure,
s’il est besoin d’un crime
pour t’enivrer le coeur,
j’en veux être victime.
Si ta nuque y consent
puis-je la mordiller,
ou faut-il qu’aucun sang
n’en sorte scintiller ?
Et si ton sein frissonne
puis-je l’aimer de près,
ou faut-il que personne
n’en tête le secret ? »
N’ayant pas d’autre voeu
que de la réveiller
j’écarte ses cheveux,
jusqu’à déshabiller
son pudique portrait :
sa bouche à peine éclose
et ses yeux déjà prêts
à s’ouvrir - et qui l’osent...
Ce qui s’ouvre radieux
et enfin me regarde,
ce ne sont plus ses yeux...
mais ceux de la Camarde !
... qui pose, à demi nue,
allongée sur la grève,
et comme revenue
du naufrage d’un rêve.
À en croire le fleuve
elle jouit de sang-froid,
et si ses yeux m'émeuvent
c’est que j’en suis la proie.
Philippe Martineau
Nouvelle version : 2012
Ancien titre : « À une sirène »
© Philippe Martineau
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