La petite poule boulangère « Qui ne veut rien faire, trouve une
excuse, et qui veut faire trouve
un moyen. »
(Marie Gillain, comédienne, citant sa mère)
Délaissant l'humus et la mousse,
Une petite poule rousse
Grattait à l'entour d'une grange
Un sol séché et compacté.
Puis, en ayant extrait quelques grains de blé,
Elle tint ce langage étrange
Aux habitants du lieu : « Ces graines
Mes bons amis, sont pour tous une aubaine.
Aidez-moi à les planter et l'été prochain
Nous en tirerons du pain à nous partager. »
- Navrée ! dit la vache avachie dans son pré,
Mais je suis occupée à compter mes trains.
- J'ai mes plumes à lisser, ne compte pas sur moi,
Dit le canard sortant du bain.
- Je dors, grommela le cochon,
Qui savait l'art de se faire du lard ; - Pour moi,
J'ai de plus hautes ambitions,
Jacta l'oie en se haussant du col.
(Elle se croyait concierge au Capitole !)
- Bon, alors je le ferai, dit
La petite poule rousse. Et elle le fit !
L'été revint leur amenant de lourds épis
Aux teintes mordorées.
« Qui m'aidera à récolter ? »
Dit-elle. - Les horaires ne conviennent pas,
Dit l'une. - Ce n'est pas assez payé, dit l'oie.
- Mais quelle agitation, maugréa le cochon.
- A bas l'exploitation
Des palmipèdes ! Hurla le canard en fuite.
- Alors, je le ferai, dit la petite.
Et elle le fit, mais dut souvent veiller
Bien après que le soleil se fut couché !
Vint le moment de fabriquer
Le pain : « Qui voudra m'aider à pétrir
À rouler et à cuire ? »
Dit-elle. - Cela m'obligerait à faire
Des heures supplémentaires,
Objecta la vache. - Eh, oh, pas si sot,
J'y perdrais mes avantages sociaux !
Dit le canard. - Moi, j'ai pris l'habitude
D'être assisté et la tâche serait trop rude,
Marmonna le cochon.
- Si j'étais la seule à t'aider, on
Nous accuserait de discrimination,
Dit l'oie - Bon, alors je le ferai ! dit
La petite poule, et elle le fit.
Après quoi elle obtint cinq miches d'un pain
Croustillant et doré à point.
Tous aussitôt d'en réclamer une part !
« Là, dit-elle, c'est un peu fort.
Pour consommer, je n'ai nul besoin de renfort. »
- Profiteuse ! Lui cria ce couard de canard
(Qui, quoique un peu lâche
Ne perdait jamais le nord.)
- Sale capitaliste ! beugla la vache.
- J'exige le respect de mes droits ! dit l'oie,
Claquant du bec avec fracas.
« Ce sont toujours les mêmes qui en profitent »
Récite le cochon, qui soudain s'agite.
Et ils défilèrent dans la basse-cour
En en appelant au recours
De l'État ; Arborant des mines de martyrs
Et agitant des banderoles
Sur lesquelles on pouvait lire :
« La propriété, c'est le vol ! »
Et ils tendaient le poing vers elle en scandant :
« A bas... A bas le capital ! »
Vive la justice sociale ! »
Survint un fonctionnaire vigilant
Qui serina d'un ton sinistre :
« Tu es riche... et trop égoïste ! »
Jusqu'à la culpabiliser.
« Mais j'ai dû beaucoup travailler,
Plaida-t-elle... - « Il n'importe à la République,
Coupa-t-il, ton comportement est inique !
La libre entreprise à ceci de merveilleux
Que chacun a le droit de travailler
Et de gagner autant qu'il veut.
Après quoi les plus actifs doivent partager
Avec les oisifs et les paresseux,
C'est la règle des sociétés éclairées. »
La petite poule dut leur céder,
De son bien, plus que la moitié, et remercier
Le fonctionnaire qui lui ouvrait les yeux :
« Vous avez fait, dit-elle,
Bien des heureux ; J'en suis ravie pour eux,
Ils méritaient ce zèle ! »
Mais par la suite tous se demandèrent en vain,
Pourquoi elle ne fit plus jamais de pain !
Ce texte est adapté des écrits personnels du président Ronald Reagan qui illustrait volontiers ses discours d'anecdotes. Je l'ai enrichi un peu pour le mettre en vers. "C'est une historiette que nous commentions naguère à nos jeunes écoliers", m'a dit un professeur émérite. (Il va de soi qu'elle est trop infantile pour satisfaire les génies de l'économie planifiée).
Yves Tarantik
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