Version imprimable

Ainsi soit Nil

Nil, Nil, ô Nil… n’es-tu pas un peu las
De ces temples déserts, de ces tombeaux ouverts
Et de ces rois de pierre, garde trop funéraire ?
N’as-tu la nostalgie des filles à peau d’ébène
De ces belles Thébaines dont tu calmais l’ardeur
Les longs soirs de touffeur ?

Ô Nil, t’en souvient-il, de tes colères fertiles ?
Des fêtes de l’été ? De la barque d’Isis
Glissant accompagnée du crocodile sacré ?
De ta mémoire le très long fil aura tissé et pour longtemps
Sur les effluves du Soudan, le souvenir, l’écho des chants
La Légende des jours d’antan.

Où sont Nil, la belle Néfertari, l’illustre Cléopâtre,
La superbe Hatchepsout dont le parfum était divin ?
Où sont-ils Nil, Ramsès et Thoutmôsis
Et le sublime Akhénaton* qui connut la Révélation ?
Où sont-ils tes enfants, ces demi-dieux, ces géants
Qui rendirent l’hommage mérité qu’on doit à son père nourricier ?
A jamais dans l’éternité, sont-ils enfin récompensés ?

D’où venaient-ils Nil, et qui étaient ces Pharaons
Et comment pouvaient-ils, défiant le temps
Bâtir, bâtir, empilant et creusant
Plus haut, plus grand que les Titans ?
Du Scarabée au Sphinx-Bélier, d’Eléphantine à Philae
Et à Khephren et à Gizeh, jusqu’à Rosette qui l’a dénouée
Toute leur vie nous est contée, sans que le voile en soit levé !

Entrainant un Peuple savant, ces Pharaons leur vie durant
Martelèrent au mépris du temps, sur des pages de rochers blancs
Un livre d’or pour des Géants.
Ô Nil, sur tes rives ductiles, leurs chants d’amour et leurs prières
Qu’ils firent de granit ou de pierre, bordent la Voie d’éternité
Qui quelque part va se jeter aux flots de Râ, le Bien-Aimé.

Et l’indicible Khéops, à l’ombre de qui veille, Celui qui
Voit aux confins de l’infini…
Est-elle une question posée, ou la flèche de pierre tendue
Le véhicule pour projeter, leurs âmes à l’immortalité ?
N’a-t-on pas vu un jour monter, au firmament qui l’a gardée,
La chevelure de Bérénice, l’épouse aimée de Ptolémée ?

Actes d’amour et de piété, les cénotaphes renversés
Sont-ils toujours peuplés, de leurs mânes
Dans l’éternité ?

Yves Tarantik, 1993 (retour d’Egypte)

* Akhénaton : le premier roi à avoir cru que l’univers était dû à un seul dieu. Il a fondé une religion monothéiste, rendant adoration au dieu Soleil.
NB.- Il me semble que des vers longs traduisent mieux la topographie du Nil.

© Yves Tarantik
Précédent