Un humain observe un primate
Enfermé dans sa cage en fer
Et qui, d’un geste d’automate,
Bat le barreau, puis vocifère.
L’Homme a beau chercher dans ce singe
Un air éloigné de famille,
Il n’y voit qu’un œuf à méninges
- Mais un œuf creux sous la coquille -
Le singe aussi voit ce gaillard
De l’autre côté des barreaux...
Cet homonculus rondouillard
Lui semble quelque peu faraud.
Il a beau chercher dans cet Homme
Un air de famille éloigné,
Il n’y voit qu’une porte, en somme,
Mais dont il manque la poignée.
Voici donc nos deux mammifères
Qui s’observent le grain de peau,
Le grillage en fait de frontière,
Le regard en fait de drapeau.
C’est à cet instant qu’un oiseau
Entre en scène, à pas d’échassier,
Corps élancé comme un roseau
Et long bec au reflet d’acier.
Prenant son envol, ce flamant
Va dévoiler un pot aux roses :
Haut perché dans son firmament,
L’oiseau découvre bien des choses
Car depuis son observatoire
Sa position panoramique
Lui permet de voir, de l’histoire,
L’absurdité tragi-comique :
L’Homme est sûr d’avoir fière allure
En observant son singe-otage...
Or la prison n’est pas bien sûre :
La grille est large... Et davantage...
Mais n’est scellée dans aucun mur !
Tout au loin s’interrompt l’ouvrage,
Sans miradors, ni contremurs...
L’Homme croit voir le singe en cage :
Mais la cage n’est qu’une épure,
Et l’ensemble n’est qu’un mirage !
Le singe n’est que la rature
Des premiers mots d’un long verbiage...
Et l’Homme en est l’enluminure,
Prisonnier de la même page...
© Christian Gros |