Il s’est levé, sur les hauteurs,
Un vent à décorner les bœufs...
Ce vent prend pour cible l’un d’eux
Qui paisse l’herbe avec lenteur.
Et ce bœuf - qui dans le comté
Faisait l’honneur de sa tribu -
Se voit ravir ses attributs
D’un tourbillon bien ajusté.
Un instant les cornes du roi,
Emportées par le vent volage,
Tournent au-dessus du village
À la recherche d’une proie.
Puis, d’un seul coup, la paire énorme
Accapare en un tournemain
Le front du pauvre Saturnin
Qui s’était assoupi sous l’orme...
Depuis lors, dans tout le village,
Quand un nouveau marié se prête
Au rituel du tour en charrette,
Saturnin conduit l’attelage.
Précédé des cornes royales
(Dont l’ombre immense, en s’étirant
Dans les feux du soleil couchant,
Accentue le cérémonial)
L’époux médite et se demande,
Au regard du bon Saturnin,
S’il échappera au venin
Du vent, quand il court sur la lande...
Christian Gros
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